Le groupage, leur clé du succès
Comment un simple système de Groupage a révolutionné
le commerce transfrontalier à Bukavu
"Le système de groupage, mis en place par le PFCGL, projet parent du PFCIGL, a révolutionné le commerce transfrontalier à Bukavu. Les femmes commerçantes, autrefois victimes de harcèlement, sont désormais des actrices incontournables de l'économie locale."
Dans les ruelles animées de Bukavu, au Sud-Kivu, un nom résonne avec force : Chantal MBILIZI. Cette femme, d'apparence simple, est à la tête d'une véritable organisation : l'Association des Commerçants Transfrontaliers des Vendeuses de Poules et d'Œufs (AVPO). Son parcours, de la vente des chaussures usagées, communément appelé « Vieti » à la présidence d'une association florissante, est une véritable source d'inspiration.
Chantal MBILIZI, 46 ans, mère de sept enfants, a longtemps lutté pour joindre les deux bouts du mois. Vendeuse de chaussures, elle rêvait d'une vie meilleure pour sa famille. C'est en côtoyant une amie commerçante transfrontalière que sa vie a pris un tournant. Intriguée par le dynamisme du marché des produits alimentaires, elle décide de se lancer dans la vente de poules et d'œufs. "Mon amie m'a ouvert les portes de ce monde", confie Chantal. "Le commerce des denrées alimentaires, c'était une sécurité. Les gens en ont toujours besoin."
Pour s'approvisionner, Chantal devait traverser la frontière de Bukavu en RDC et Kamembe dans la ville de Rusizi au Rwanda. Un parcours du combattant, marqué par des tracasseries administratives et consorts. "C'était un véritable calvaire", se souvient-elle. "Certains agents des douanes exigeaient des fois des pots-de-vin. Pour obtenir un simple laissez-passer, c'était la galère."
Avant 2019, beaucoup de tracasseries décriées au poste transfrontalier de Ruzizi I aussi bien qu’au niveau de Ruzizi II. Le long de la frontière RDC-Rwanda, des commerçants faisait face à un problème de percepteurs des multiples impôts et taxes, dont la plupart ne donnent pas de reçus et s'ils le font, il s’agit de faux papiers écrits à mains pour justifier le paiement. Les femmes sont d'habitude exposées à la discrimination et au harcèlement, aux actes de violence, comportement impoli et menaçant de la part de certains fonctionnaires des services publics œuvrant à la frontière
Face à ces difficultés, Chantal a trouvé du réconfort au sein de l'Association des Commerçants Transfrontaliers (ACT-AVPO). "En nous regroupant, nous avons pu négocier de meilleures conditions avec les autorités", explique-t-elle. "Le Projet de Facilitation du Commerce dans la région des Grands-Lacs, PFCGL, nous a également apporté une aide précieuse en nous formant à la gestion de nos activités et en nous facilitant l'accès au marché."
Face aux tracasseries et aux harcèlements à la frontière, le PFCGL nous a donné une idée d'ingéniosité. « Nous avons commencé à mettre en œuvre un système de groupage de marchandises, une véritable stratégie de résistance. En regroupant nos commandes, nous réduisons les risques de contrôle individuels et négocient de meilleurs prix auprès des fournisseurs », confie Chantal avec sourire. Cette pratique, bien qu'exigeante, leur permet de gagner en sécurité et en autonomie. C'est une véritable victoire collective qui témoigne de leur force et de leur détermination.
Faisant face à la fermeture des frontières de la RDCongo avec ses voisins à cause de la COVID-19, le PFCGL a jugulé la crise en mettant en place la stratégie du groupage dans le but d’assurer la continuité du petit commerce transfrontalier. Cette stratégie consiste à mettre en commun des marchandises de même type dans l’un ou l’autre des pays et à les acheminer de l’autre côté de la frontière au moyen de véhicules adaptés. Le chauffeur seul est autorisé à traverser la frontière pour convoyer la marchandise.
Grâce aux soutiens de l’Association et du PFCGL, Chantal a pu développer son entreprise. "Au début, je commençais avec moins de 100 dollars. Aujourd'hui, je peux compter mes revenus par milliers", se réjouit-elle. Les bénéfices de son succès ont rapidement été ressentis au sein de son foyer.
Les études de ses enfants, autrefois un luxe, sont devenues une réalité. « Avant, je devais me priver de beaucoup pour scolariser mes enfants », confie-t-elle. « Aujourd'hui, ils peuvent étudier dans de bonnes écoles et envisager un avenir prometteur. » Chantal a pu également jouir d’une amélioration de condition de vie, « Nous avons quitté notre petite maison en bois pour une habitation plus confortable. Mes enfants ne connaissent plus la faim », ajoute-t-elle avec fierté.
Le PFCGL a déployé des efforts considérables pour identifier et soutenir les petits commerçants transfrontaliers, en particulier les femmes. Grâce à cette initiative, plus de 16 500 commerçants transfrontaliers, principalement des femmes, ont ainsi pu bénéficier des formations, des outils mis en place par le projet et d'un accompagnement personnalisé. Cette expérience réussie ouvre de nouvelles perspectives pour l'extension du projet en Projet de Facilitation du Commerce et Intégration dans la région des Grands-Lacs, PFCIGL, à d'autres régions. Le PFCIGL est ainsi en mesure de renforcer son impact en favorisant l'intégration régionale et le développement économique, notamment avec le Burundi.
Malgré ses succès, Chantal et ses collègues font face à de nouveaux défis. « Nous avons du mal à trouver des espaces de vente adaptés », déplore-t-elle. « Les marchés sont saturés et nous sommes obligé de ventre à la sauvette faisant face aux policiers, qui nous chasse prenant par l’occasion de forces nos marchandises ou parfois aussi perdants nos revenus journaliers ainsi que nos marchandises."
Chantal lance un appel au PFCIGL pour qu'il poursuive son engagement en faveur des commerçantes transfrontalières. En investissant dans des infrastructures adaptées et en soutenant la construction de marchés locaux, le projet contribuera non seulement à améliorer les conditions de vie des populations, mais aussi à renforcer l'économie de la région. « C'est un investissement d'avenir auquel nous croyons fermement », conclut-elle.
Chantal est devenue un modèle pour de nombreuses femmes à Bukavu. Son histoire prouve qu'avec de la détermination et du soutien, il est possible de sortir de la pauvreté et de créer des entreprises prospères. « J'appelle toutes les femmes à se lancer », encourage-t-elle. « L'union fait la force. Je les invite toutes à rejoindre les Associations de Commerçants Transfrontaliers. Ensemble, nous sommes plus forts. Nous pouvons obtenir de meilleures conditions, partager nos connaissances et faire face à des nouveaux défis. »
Chantal a une vision ambitieuse pour l'avenir : elle souhaite que Bukavu devienne autonome en matière de production de volaille. « Je rêve de voir un jour une usine de production d'œufs et de poules à Bukavu », confie-t-elle. « Cela nous permettrait de créer de l'emploi local et de réduire notre dépendance vis-à-vis de nos voisins. »
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