Travaux de construction au Poste frontalier de Ruzizi I
« celle qui ose, gagne »
Vue des femmes au chantier de construction des infrastructures au Poste Frontalier de Ruzizi I à Bukavu, province du Sud- Kivu
Bukavu, le 31 mai 2024 – Le chantier de renforcement de la résilience des infrastructures au Poste frontalier de Ruzizi I entre la RDC et le Rwanda, est bien plus qu'un simple projet de construction ; c'est un symbole vibrant de transformation économique et sociale dans la ville de Bukavu. Sous le financement de la Banque mondiale et la mise en œuvre du PFCIGL, ce projet se distingue non seulement par sa mission de protection des infrastructures contre les risques climatiques, mais aussi par sa promotion audacieuse de l'inclusion des femmes dans un secteur traditionnellement dominé par les hommes.
Julienne AGANZE, l'une des six femmes travaillant sur ce chantier, incarne parfaitement cette révolution. Vêtu de sa salopette bleue, de bottes en plastique, et équipé de gants et d'un casque, Julienne participe activement aux travaux de fouilles d’implantation avec une pioche et une bêche, évacuant la terre dégagée avec une énergie inébranlable. "Voir des femmes passionnées travaillant si dur sur notre chantier de construction est un phénomène inédit, nous devons les encourager ", explique Jules Ndakola, un ouvrier admiratif sur le chantier.
Julienne AGANZE, 29 ans, est diplômée en sciences administratives de l’Université Officielle de Bukavu. Née d’une famille nombreuse dont quatre filles et cinq garçons. Après avoir passé plus de deux ans au chômage, elle a dû lutter pour s'émanciper de la dépendance financière de ses parents. Elle a saisi l'opportunité offerte par l'entreprise CONSOF, en contrat avec le PFCIGL, pour travailler sur ce chantier. « Vivre dans la dépendance des parents avec une famille nombreuse ce n’est pas facile pour moi », dit-elle avec une émotion palpable. Sa détermination farouche à changer sa situation l'a poussée à saisir cette chance lors du recrutement de la main-d'œuvre pour les travaux de construction.
L'entreprise locale CONSOF a été mobilisée pour réaliser des travaux supplémentaires pour renforcer de la résilience des infrastructures au Poste frontalier de Ruzizi I, incluant la construction d'un mur de soutènement sur la rive du Lac Kivu pour contrer les premiers signes d'érosion. Travaux qui devront être réalisés dans un délai de 50 jours maximum.
À son arrivée, Julienne et ses collègues féminins ont été accueillis avec une certaine curiosité et scepticisme. Cependant, leur dévouement et leur rigueur ont rapidement changé les perceptions. « L’ingénieur ne cesse de dire : 'elles sont plus consciencieuses et plus appliquées que leurs collègues masculins, pas question pour elles de se cacher, comme le font souvent certains ouvriers hommes », rapporte Julienne, la fierté dans la voix.
Le travail sur ce chantier a eu un impact significatif sur la vie de Julienne, tant sur le plan personnel que professionnel. « Je me sens très réconforté par ce travail, depuis que je suis sur ce chantier, je n’ai plus besoin que l’on me vienne en aide pour répondre à mes besoins », explique-t-elle avec une lueur d’indépendance dans les yeux. Grâce à son salaire, elle peut désormais contribuer aux besoins de sa famille et épargner pour ses projets futurs, notamment le démarrage d'un petit commerce. « Sur ce que je gagne Journalièrement ici, j’épargne au moins deux (2) dollars US par jour en prévision des dépenses futures et pour pouvoir démarrer, un jour, mon petit commerce », confie-t-elle avec sourire plein d’espoir.
Julienne encourage vivement d'autres femmes à suivre son exemple et à envisager des carrières dans des secteurs traditionnellement dominés par les hommes. « J’encourage toutes les femmes qui restent à la maison dans l’oisiveté de prendre courage et de chercher de l’emploi même dans ce secteur de construction. Ce n’est pas un travail difficile », affirme-t-elle avec une conviction profonde. Elle croit fermement que les femmes ont une véritable force de travail et peuvent contribuer de manière significative à la prospérité de leurs familles et communautés.
En se souvenant de ses premiers jours sur le chantier, Julienne partage une anecdote touchante : « à mon premier jour de travail, je pensais que je n’y arriverais pas. J’avais même failli abandonner pour rentrer à la maison. Je me suis dit que ce des « Travaux d’hommes, ça demande une force physique, c’est fort pénible ». Malgré ma crainte, je demandais les épis de travail, je vais essayer. Curieusement, je me suis en sorti aisément et je me suis dit « dis donc, c’est tout le monde qui peut faire ce travail ! ». Je suis rentrée à la maison le soir, j’ai pris mon bain, j’ai mangé et me suis en dormi aisément. Le matin quand je me suis réveillé, j’avais peur d’avoir de courbatures, mais non. Très courageusement, je me suis rendue au chantier et nous avons continué à travailler ».
Elle appelle également les responsables à ne pas décourager ni minimiser l’apport des femmes dans ce secteur. « Les femmes sont véritablement capables d’accomplir ces tâches. Les femmes ont un bel avenir dans ce métier », affirme Julienne.
Julienne AGANZE et ses collègues sont devenus des modèles de résilience et de détermination, prouvant que les femmes peuvent exceller dans des environnements exigeants et contribuer à des projets d'infrastructures critiques. Leur succès sur le chantier du Poste frontalier de Ruzizi I est un témoignage puissant de l'importance de l'inclusion et de l'égalité des sexes dans le développement économique et social. Ce chantier n'est pas seulement une opportunité de travail pour ces femmes, mais un tremplin vers un changement de paradigme, où compétence et détermination prime sur les stéréotypes de genre.
La transformation de Julienne AGANZE est profondément émouvante. En quelques jours, elle est passée d'une situation de dépendance et de désespoir à une position de force et d'indépendance. « Chaque jour sur ce chantier est une victoire personnelle », dit-elle, les yeux brillants de fierté. « Je me sens plus forte, plus confiante. Je sais maintenant que je peux accomplir de grandes choses, même dans des domaines où l'on ne nous attend pas ».
L’impact du PFCIGL va bien au-delà des frontières des chantiers des constructions des Postes frontaliers. Il se répercute sur toute la communauté, changeant les mentalités et encourageant les jeunes filles à rêver en grand. Julienne envisage déjà de partager son expérience et d’encourager d'autres femmes à se lancer. « Je veux que ma réussite soit une source d'inspiration. Si j'ai pu le faire, elles le peuvent aussi », insiste-t-elle avec une détermination inébranlable.
Le chantier du Poste frontalier de Ruzizi I est ainsi devenu un laboratoire vivant de la résilience et de l'égalité des sexes. Les défis sont nombreux, mais chaque obstacle surmonté renforce la détermination de ces femmes extraordinaires. Elles montrent que le genre ne doit jamais être une barrière à l’accomplissement professionnel et personnel.
"Celle qui ose, gagne" n'est pas seulement un slogan, c'est une réalité vécue chaque jour par des femmes comme Julienne. Leur histoire inspire d'autres femmes à croire en leur capacité et à poursuivre leurs rêves, quelles que soient les barrières traditionnelles. Avec le soutien continu des institutions et des initiatives inclusives, de plus en plus de femmes pourront transformer cette réalité en une norme, renforçant ainsi la résilience et la prospérité de nos communautés.
Julienne AGANZE, par son courage et sa détermination, incarne l’espoir d'un avenir plus juste et plus équitable. Son parcours est un puissant rappel que le changement commence par l'audace de croire en soi et de saisir les opportunités, même dans les endroits les plus inattendus. C'est ainsi que, pierre après pierre, ces femmes bâtissent non seulement des infrastructures solides, mais aussi un avenir où chaque femme peut se tenir debout, fière et libre.
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